Activité de la ferme




La saison agricole :

Une ferme c'est d'abord une unité de production de produits agricoles. Dans le Laonnois, l'activité dominante, c'est la grande culture. L'élevage est résiduel.

Labour  < :o) A Chantrud, la saison agricole commence après la moisson. Il faut travailler les parcelles récoltées pour provoquer un bon mélange entre la paille et la terre et détruire une partie des herbes adventices, notamment les vivaces. C'est l'époque aussi d'apporter de l'engrais et notamment du fumier, en provenance d'élevages "bio" de Thiérache, et d'implanter des cultures "dérobées". Ces cultures ont pour but de consommer l'azote et les éléments minéraux présents dans le sol et d'assurer un couvert à la terre. Elles ne seront pas récoltées, mais incorporées au sol pour le nourrir. Depuis la conversion totale à l'agriculture biologique, il n'y a plus, à l'automne de colza à semer ou de betteraves et maïs à récolter. A partir de fin octobre, nous semons le blé et les autres céréales d'automne.

Ensuite, vient la période des labours où la terre va se refermer sur la culture passée et se préparer à recevoir la prochaine. Mais il faut veiller à ne pas laisser la terre nue trop longtemps. En accord avec les directives européennes, un maximum de surfaces reste couvert par des semis d'automne ou des cultures intermédiaires pendant l'hiver.

Au cœur de l'hiver c'est l'entretien du matériel, des bâtiments et la transformation et la commercialisation des récoltes conservées à la ferme qui constituent l'activité de l'agriculteur. Avec la conversion à l'agriculture biologique, la ferme du bois de Chantrud a dû s'équiper pour entreposer les céréales car il n'y a pas de lieu de livraison à proximité. une première cellule a été installée en 2001, puis un boisseau d'expédition en 2008. La nouveauté en 2009 est l'installation d'une trémie de réception couplée à un élévateur qui envoie le grain dans un  trieur-séparateur. Cela permet de nettoyer les récoltes en enlevant notamment les graines d'herbes qui poussent en mélange dans la culture. Une deuxième cellule est installée en 2011, une 3e  en 2012, la 4e est installée en 2013, accompagnant l'augmentation des surfaces converties à l'agriculture biologique. Deux nouvelles cellules compléteront l'installation en 2015 avec la fin de la conversion de l'ensemble de l'exploitation. Chaque cellule est équipée d'un système de ventilation qui permet de refroidir le grain. Ainsi la conservation est meilleure et la qualité améliorée.

Tracteur prêt à partir semer les betteraves

Tout au long de la saison, les graines sont transformées pour fournir de la farine, des semences, de l'alimentation animale ou de l'huile.

Pour redémarrer après l'hiver, les semis d'orge de printemps, de pois, d'avoine ou de féveroles peuvent avoir lieu à partir de fin février ainsi que les épandages d'engrais. Depuis la saison 2008, l'EARl "Les chêneaux" a cédé son quota et ne cultive plus de betteraves sucrières (voir nouvelles). Fin mars on peut semer les lentilles que nous cultivons en mélange avec une petite crucifère oléagineuse : la caméline.  Il faut aussi planter les pommes de terre. En mai 2013, pour la première année, nous avons semé du blé noir (sarrasin), mais la récolte en est délicate. En 2012, nous avons fait un essai de lin oléagineux et en 2014, nous avons essayé de l'oeillette oléicole. En 2015, nous avons semé de l'engrain afin de répondre à la demande de céréales pauvres en gluten et aussi le lentillon de Champagne en association avec du seigle. En 2017, nous semons pour la première fois du maïs en culture biologique. Pour les cultures en place, il faut prévoir  les désherbages. En culture "biologique", le désherbage est uniquement mécanique avec la herse étrille et la bineuse ou manuel pour les légumes. En 2013, pour éviter la mise à graines des vivaces, la ferme s'est équipée d'une écimeuse qui permet de couper les plantes dont la hauteur dépasse la taille de la culture en place.

Il y a aussi les surfaces fourragères. De la luzerne est cultivée pour un éleveur "bio" de Thiérache qui fauche 4 fois dans l'année pour obtenir du foin.

En juillet, c'est la moisson. Elle commence par  le colza. Le triticale suit : il est souvent mûr  avant les pois, l'orge, le blé, le seigle ou l'épeautre. C'est souvent l'avoine qui clot la moisson des céréales et sert à confectionner le "bouquet de la moisson". Les lentilles suivent. Les féveroles et le lin se récoltent un peu plus tard. Le sarasin  et le maïs se fauchent à l'automne. Ensuite, une nouvelle saison s'ouvre.


La culture "biologique"

En 2001, avec la souscription d'un contrat territorial d'exploitation (C.T.E.) la ferme du bois de Chantrud a entrepris une conversion partielle en culture "biologique". 3 ans sont nécessaires pour obtenir le label. Les contrôles sont effectués annuellement par l'organisme certificateur "ECOCERT".

Depuis 2015, l'intégralité de l'exploitation est convertie à l'agriculture biologique. Nous cultivons des céréales, des oléagineux et des protéagineux : du blé meunier (dont contrats de semence), du blé fourrager, du triticale, du grand épeautre, de l'engrain (petit épeautre), de l'avoine et de l'orge, du seigle en association avec du lentillon, de la luzernedu maïs, du sarrasin. Moins d'1 ha seront plantés en divers légumes dont des haricots de Soissons, des courges à huile et des pommes de terre. 6 ha de lentilles vertes sont semés en mélange avec de la caméline dont nous utilisons la fine graine orange pour produire de l'huile. 0 ha 60 sont consacrés à une bande enherbée anti-érosion en bordure de marais, 1 ha de noyers à fruits commence à produire.

Depuis juin 2003, un atelier artisanal de production d'oeufs bio est en place. 200 poules pondeuses sont abritées dans un poulailler mobile de 60 m² et peuvent courir en liberté dans un parcours enherbé de 24 ares qui leur est réservé.

Pour compléter la gamme, depuis 2007, la ferme du Bois de Chantrud s'est équipée d'un moulin à céréales à meule de pierre et transforme ses céréales en farine. Une brosse permet le nettoyage des grains de façon à éliminer la poussière et particulièrement les spores de champignons qui pourraient nuire à la qualité de la farine. C'est la qualité des blés et la fraîcheur de la mouture qui font l'intérêt de cette farine.

En 2012, la ferme s'est équipée d'une presse à huile pour produire des huiles pressées à froid à partir de graines de caméline et de noix. Une huile composée : caméline et pépin de courge vient compléter la gamme.

Les lentilles vertes et lentillons de Champagne cultivés et triés sur la ferme sont disponibles à la vente.

Les produits de la ferme sont vendus sur des marchés (Rocourt St-Martin et Etréaupont) et dans plusieurs AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) du département (Laon, Soissons, St-Quentin).

En 2014, nous avons effectué nos premières fournitures en restauration collective, principalement des lentilles.


Pour établir des liens entre agriculteurs biologiques : Philippe Charpentier, apiculteur à Lugny (15 km au Nord), qui respecte les règles du cahier des charges de production bio, a installé 30 ruches à la ferme de Chantrud, pour bénéficier de la floraison des arbres et arbustes, du trèfle, du sarrasin et des engrais verts (phacélie-moutarde...). Il est spécialisé dans l'élaboration de "gelée royale" dont il est un des rares producteurs en France.

 


L'environnement naturel :

C'est d'abord ce qui attire le citadin. Or l'agriculteur, devenu prioritairement un agent économique depuis quelques décennies s'est souvent désolidarisé du milieu naturel. Mais il est destiné à vivre à son contact.

A Chantrud, situé sur la commune de Grandlup (grandis lucus : grand bois) les terres ont sans doute été gagnées sur l'antique forêt de Samoussy. La chance du site, c'est d'être traversé par un marais qui suit le lit du ru qui prend sa source près de l'ancien site de "Sambrécourt". C'est ce cours d'eau qui lui a donné son nom (cant. ruvis : le chant du ruisseau). Le ruisseau est devenu intermittent, mais l'existence du marais est durable.

Nous sommes ici sur un sous-sol calcaire recouvert d'une couche plus ou moins épaisse de limons et de quelques tâches d'argile. Ce sont des sols propices à la grande culture. Des plans du 19e siècle nous révèlent que les prés et les bois étaient déjà rares. Par contre les géomètres prenaient le soin d'indiquer les nombreux arbres isolés ou en alignement qui soulignaient la plaine. Des noms de lieux-dits en gardent la trace : les peupliers, l'orme, la saux (saule), le suie (sureau), l'épine de Verneuil. Il faut dire que l'arbre avait son importance économique, en charpente, menuiserie, charronnerie (fabrication des outils aratoires et des chariots), bois de chauffage ou alimentaire (fruitiers). Son ombre était prisée des animaux ou des moissonneurs à l'heure de la pause. .

Les agriculteurs qui se sont succédés ont peu modifié la place de l'arbre dans le paysage jusqu'à la première guerre mondiale. Ensuite c'est le remembrement, effectif en 1967, qui a remodelé le parcellaire, supprimant de nombreuses "frettes", ces cordons herbeux, parsemés d'arbustes, qui coupaient les pentes . Lucien Vuilliot, fils de forestier, accordait de l'importance aux arbres et c'est Charles Vuilliot, son fils, chasseur attentif, qui a veillé à maintenir des buissons pour l'abri du gibier,

En perdant son utilité aux yeux des ruraux, l'arbre a régressé; mais on le redécouvre

En 1995, une haie de 500 m a été plantée et en 1997, une prairie de 2,5 ha reboisée. Depuis 12 ans, en raison de dégâts météorologiques ou de maladies, nous faisons évoluer ce dernier boisement en y introduisant une grande diversité d'essences, quelquefois exotiques, et en laissant la nature y semer. Ainsi est né l'arboretum et son circuit sinueux pour l'apprentissage des arbres.

En 2011, en remplacement d'un talus miné par les lapins, nous avons planté une nouvelle haie. Ce n'était pas la bonne année à cause de la sécheresse. Mais la nature esssaime de nombreux arbustes dans les bordures de champs, que nous veillons à protéger et entretenir (voir archives).

 

Semis de bleuet dans une bande de carottesLe désherbage chimique a éliminé de la plaine un certain nombre de plantes qui poussaient naturellement. Pour essayer de les réintroduire, nous avons fait des essais de semis de plantes disparues, notamment l'emblématique bleuet. Et nous avons le plaisir de constater qu'il se resème naturellement.

Pour accompagner les céréales "biologiques", il faut veiller à recréer l'équilibre de plantes messicoles qui existait avant la culture industrielle.

 

La nature du sol a aussi déterminé l'architecture des bâtiments et des maisons. Outre le bois, c'est la pierre et la brique qui ont servi à édifier les maisons du nord-Laonnois. La brique était fabriquée avec la terre (argile) tirée du sol. Cette terre (lieu-dit le Terrage)a dû servir aussi à bâtir des murs en torchis. La pierre était extraite du sol. C'est pour cela que l'on rencontre principalement en construction le grès, tiré de certains sous-sols sableux (lieu-dit : les grès) et la pierre blanche tirée du sous-sol crayeux. La craie a aussi servi à fabriquer la chaux qui servait de liant au mortier. La construction moderne s'est affranchie de ces matériaux de terroir, mais ils sont encore présents ici.